La fin du bon père de famille et le début de l’ère du spéculateur ?
- Aeacus Lawyers

- 17 juil.
- 3 min de lecture
À ce jour, le principe fondamental du droit fiscal belge est que les personnes gérant leur patrimoine de manière responsable ne paient pas d'impôt sur les plus-values réalisées sur des actifs tels que des actions, des crypto-actifs ou des devises. Seules les plus-values spéculatives, résultant d'opérations extérieures à la gestion normale du patrimoine privé, sont imposables à 33 % au titre des revenus divers.
Initialement, le gouvernement semblait vouloir supprimer cette distinction à compter du 1er janvier 2026 et soumettre toutes les plus-values à un impôt unique et uniforme de 10 %, quelle que soit leur nature spéculative. Cette proposition a finalement été abandonnée à l'approche de la fin de la procédure, sous la pression politique, notamment de la part du Vooruit.
Selon l'accord final, la distinction entre gestion normale et gestion anormale sera maintenue. Les revenus cryptographiques spéculatifs resteront soumis à un impôt de 33 %, tandis que les plus-values non spéculatives seront désormais soumises au nouvel impôt de 10 %.
Ci-dessous, nous donnons un bref aperçu de ce qui a été initialement proposé et de ce qui a finalement été retenu dans l’accord final.

Le concept d'un bon père
La qualification de « bon père de famille » signifie que l'investisseur agit avec prudence et raison, sans prendre de risques excessifs ni recourir à des techniques professionnelles. Les actifs doivent rester strictement privés et distincts de toute activité professionnelle. Par exemple, ceux qui achètent leurs crypto-actifs avec leurs propres fonds, sur le long terme, et se limitent à un faible pourcentage de leur patrimoine total, pouvaient, en principe, bénéficier de ce régime jusqu'à présent (comme l'a confirmé l'Advance Rulings Service).
La spéculation, en revanche, qui découle généralement de courtes périodes de détention, d’une fréquence de négociation plus élevée, d’un effet de levier ou d’autres stratégies agressives, est actuellement traitée à des fins fiscales comme des revenus divers, imposables à un taux de 33 %.
La facture originale de Jambon
Les projets de textes initiaux relatifs à l'impôt sur les plus-values comportaient une modification notable. L' exposé des motifs confirmait explicitement qu'à compter du 1er janvier 2026, la nouvelle réglementation s'appliquerait comme une lex specialis : un régime spécial qui prime sur le régime existant des revenus spéculatifs. De plus, l'une des dispositions clés stipule que toutes les plus-values sur actifs financiers concernés seront soumises au nouveau régime d'imposition de 10 % , même si elles résultent d'opérations spéculatives.
Les plus-values sur actifs financiers entrant dans le champ d'application du nouveau régime et réalisées à compter du 1er janvier 2026 relèveront donc exclusivement de ce régime, qu'elles résultent ou non d'opérations relevant de la gestion normale du patrimoine privé, à l'exception de la situation dans laquelle les plus-values sont réalisées dans un cadre professionnel.
Cependant, l'investisseur n'a pas bénéficié de ce privilège. La simple harmonisation de l'impôt sur les plus-values, avec un taux uniforme de 10 % pour les plus-values spéculatives et non spéculatives, n'a pas franchi le cap des négociations finales. Alors que la ligne d'arrivée était en vue, et sous la forte pression du Vooruit, il a été décidé de maintenir l'impôt actuel de 33 % sur les plus-values spéculatives pour les transactions ne relevant pas de la gestion normale du patrimoine privé.
Accord final
L'accord final stipule que le taux d'imposition actuel de 33 % sur les plus-values spéculatives, y compris celles liées aux cryptomonnaies, sera maintenu. Il stipule également explicitement que des clarifications seront apportées quant à la manière dont le caractère spéculatif des cryptoactifs sera évalué fiscalement. Entre-temps, le texte de loi et l'exposé des motifs ont fuité, révélant que la clarté promise reste plutôt limitée.
L'exposé des motifs précise que, pour apprécier le caractère anormal des transactions portant sur des cryptoactifs, des facteurs tels que le pourcentage du patrimoine mobilier du contribuable investi en cryptomonnaies, le recours à un financement externe, l'utilisation de logiciels automatisés et le nombre de transactions exécutées peuvent être pris en compte. Il précise également explicitement que, pour chaque plus-value réalisée, il convient d'évaluer si elle relève de la gestion normale du patrimoine privé ou si elle est de nature spéculative.
Pour l'investisseur expérimenté, ces critères sont loin d'être nouveaux. Ils représentent essentiellement une reprise des paramètres déjà utilisés par l'Advance Rulings Service, mais là encore sans clarification ni directives concrètes. Il n'existe donc aucune véritable sécurité juridique. Le statu quo perdure et l'incertitude persiste pour les contribuables.
Conclusion
Les espoirs de nombreux investisseurs en cryptomonnaies se sont une fois de plus révélés trop beaux pour être vrais. Une réglementation simple, uniforme et juridiquement sûre reste malheureusement hors de portée. Malgré les premiers signes d'une volonté de clarté et de simplicité accrues, le traitement fiscal des cryptomonnaies reste marqué par des exceptions, des ambiguïtés et des régimes variables, même dans le cadre de l'accord final. La sécurité juridique pour les investisseurs en cryptomonnaies fait donc malheureusement toujours défaut.
Christophe Romero Senne Verholle


